Une belle action collective de solidarité auprès d’une famille de migrants
Tout a commencé en 2016 par un appel de Marie-Christine J. des AGM à Paris
« Je viens de déposer Judith, avec ses 3 enfants, à la gare de l’Est. Ils seront à Strasbourg d’ici une heure et leur assistant social les amènera à leur appartement. Le frigo est vide et elle n’a aucun argent. Te serait-il possible, de faire et déposer quelques courses ce soir, et leur remettre 50 € ?
– Je réponds, sans hésitation : Oui, bien sûr.
J’arrive à l’appartement … . J’ai vu tout d’abord une femme harassée, tenant son petit garçon de 2 mois contre elle ; et deux petites filles faisant leur possible pour rester tranquilles. Et en même temps, une femme touchée me remerciant d’être arrivée si vite. Tout en échangeant quelques mots, je réponds à l’urgence de l’instant.
« Ta venue est d’un grand secours, me dit Judith, j’étais désespérée de ne pas pouvoir donner à manger à mes enfants »
Pour moi c’est la pire des horreurs qu’une maman ne puisse pas nourrir ses enfants ! Et je me sens en même temps surprise d’être au milieu de cette étrange scène, et en même temps tellement à ma place !
Pour Judith, c’était le soulagement ! Enfin un appartement chaud pour ses enfants, et ne plus vivre la galère des changements d’hôtels. Elle m’apprend qu’ils ont quitté leur famille et leur pays : la R.D.C. (République Démocratique du Congo) où règnent l’insécurité permanente, et des pratiques d’empoisonnements qu’ils ont subis. Après avoir mis toute sa famille à l’abri en France son mari, Ricko est reparti au pays.
Alors, ce soir-là, bouleversée par cette maman courageuse, sans aucun repère, je lui annonce que je repasserai le lendemain. Et je suis passée, très régulièrement.
J’ai eu un vrai plaisir à organiser une chaîne de solidarité avec mes connaissances et amis pour rendre son appartement plus pratique et confortable. Et peu à peu, nos liens se sont faits, forts et amicaux.
Son mari a pu la rejoindre et ils sont tous les cinq tellement vivants et attachants : simples, vrais, ils ne laissent personne indifférent. Les trois enfants sont scolarisés et grandissent le plus normalement possible dans une famille aimante, soudée, et croyante.
Récemment, ils m’ont fait part de leur questionnement :
– Se pourrait-il que cette vie actuelle sans-papier, sans ressource, à l’étranger puisse faire partie d’un plan du Seigneur qu’on ne connait pas encore ? Un tel décalage entre notre vie au pays et celle d’aujourd’hui, il y a une raison !
Je suis touchée par leur confiance à toute épreuve. Et nous avons peu à peu échangé davantage, parlé de nos croyances.
2020 – L’ACTION COMMUNE DU GROUPE DE STRASBOURG |
Au lendemain du confinement, Judith m’apprend que l’aide alimentaire (les restos du Cœur) s’arrête. L’aide que je leur apporte me parait soudain insuffisante et je ne peux pas les laisser dans une situation où les parents se privent de leur repas pour donner à leurs enfants.
Que puis-je faire : y aller plus souvent ? Oui, ça je le peux. Acheter davantage pour les 5 personnes ?…Cela faisait beaucoup pour moi !
J’ai eu l’idée de proposer à mon groupe dialogue une action de solidarité commune. Aujourd’hui ils ont pris l’habitude d’apporter une fois par mois des produits alimentaires et de première nécessité, pour leur constituer une petite réserve, afin qu’ils aient toujours de quoi se nourrir.
Quant à moi, chaque semaine, je complète essentiellement avec des produits frais.
UN FEU DE JOIE, PARTOUT ! |
C’est un étrange contentement de me sentir utile en aidant dans la plus petite des nécessités : « l’alimentaire » et de les voir tellement heureux quand ils sortent des sacs de provisions tout plein de bonnes choses qu’ils aiment … avec souvent, glissé au milieu, un petit paquet de bonbons ou de gâteaux ! … oui c’est bon de voir des parents soulagés de pouvoir offrir à leurs enfants leurs prochains repas. Mon cœur est chaque fois rempli, comblé, plein d’amour !
C’est une belle expérience de vivre cette action de groupe où chacun de nous cherche à être le plus juste possible à chaque instant.
Nous leur rendons visite soit ensemble, soit séparément, mais toujours avec un grand plaisir. Petit à petit nous avons pris l’habitude d’un temps d’échange à chacun de nos passages. Ils aiment nous parler de leur vie, de leur travail, de leur pays, de leurs peurs… Ils aiment nous parler d’eux. Et aujourd’hui je peux dire que notre solidarité n’est pas que matérielle.
Maryse
CHAQUE MEMBRE DE NOTRE GROUPE A EU ENVIE DE TÉMOIGNER |
PASCAL
Envie d’être utile à une famille en situation précaire
Ce n’est pas si simple d’aider …
Pour moi, c’est juste « normal » de rendre service ; c’est sans importance pour « celui qui se croit sans importance ». Je ne mesurais pas la joie que je pouvais ressentir en donnant !
Lors d’une rencontre dialogue, j’apprends par Maryse qu’une personne dort sur un sommier cassé et un matelas éventré. Un élan naturel me pousse à m’occuper de cette « affaire » parce que je sais faire, j’aime chercher et trouver. Ça me rend joyeux car j’ai le sentiment d’être utile.
Dès le lendemain, j’ai trouvé chez Emmaüs l’objet si « précieux » à leurs yeux. Sur le chemin du retour, je me suis dit :
– Je dois rouler coffre ouvert, je vais donc prendre les petites routes … . Mais est-ce juste ce que je fais, là tout seul ? Je dois monter ce lit lourd chez moi, au 1er étage sans ascenseur, car la livraison à la famille ne peut se faire que le jour suivant …
Ah, oui, bien sûr, je retrouve le petit garçon, livré à lui-même, qui a toujours dû se débrouiller seul. Je l’ai rassuré : cette fois, c’était pour aider quelqu’un dans le besoin.
Arrivé chez Judith, j’ai vu l’immense plaisir des parents d’offrir à leur enfant un lit correct, et celui des enfants de s’en donner à cœur-joie sur le nouveau lit !
Devant tant de bonheur, moi, j’avais l’impression que toutes les cellules de mon corps se mettaient à danser. Quelle merveilleuse sensation !
Puisse mon témoignage être contagieux …
PATRICIA
Aider Judith une fois par mois : à ma mesure, sans effort, c’est une solidarité qui vient de mon cœur.
Je suis touchée par la situation précaire de Judith’s Family en cette période de confinement : j’avais peur qu’elle soit seule, abandonnée avec son mari et leurs 3 enfants dont le plus jeune n’a que 3 ans. J’ai aussitôt senti en moi l’envie irrépressible de participer à cette solidarité de groupe.
Cela a réveillé en moi « celle qui a besoin d’exister, d’être utile, de rendre service »parce qu’elle se sent souvent abandonnée, laissée pour compte … . Prendre une place active dans le groupe en aidant, en apportant, en donnant est bon à deux endroits : j’ai pu embrasser la petite en moi qui souffre en silence … et j’apporte ma part à cette famille sans argent, sans papiers.
C’est si bon de recevoir en donnant ! Au lieu de souffrir du manque d’être regardée …
SABINE
Donner suivant la demande – Donner à ma mesure
C’est tout récemment que j’ai décidé de participer à la solidarité commune pour Judith. J’ai été attirée par cette famille émigrée, en écho à l’histoire de mes grands-parents : Ils ont quitté l’Italie pour venir chercher une vie meilleure en France, abandonnant leur pays, leurs racines, leur langue. Deux générations plus tard, dans notre village alsacien, j’étais considérée comme la fille de l’Italien qui habitait le quartier de la Petite Italie. J’avais mal, je sentais dans ces paroles une discrimination, une mise de côté.
À la lecture de la liste des besoins de premières nécessités, je me suis sentie un peu perdue.
– Et si les autres achètent la même chose que moi ? Elle ne recevra peut-être que du beurre et pas de farine ?!…
J’aurais aimé acheter des choses en dehors de la liste. Mais l’envie d’aider vraiment a été la plus forte Alors, j’ai choisi de prendre ce qui était demandé, car l’aide est utile quand elle est conforme à la demande. Cela m’a demandé un dépassement : embrasser « celle qui n’aime pas qu’on l’oblige, qui veut toujours faire à sa façon ».
– Et puis, quelle marque ? A quel prix ?
Décisions pas faciles à prendre. Alors, j’ai accepté la règle : donner à ma mesure.
J’ai eu un immense plaisir à rencontrer physiquement cette famille ! Elle a touché mon cœur … et ma solidarité devient plus concrète, plus aimante, et vraiment apaisée.
SUZANNA
Pendant le confinement, avec la fermeture des portes des associations caritatives, la situation de cette famille était encore plus critique. Donc rien à manger … alors que nos placards sont pleins… Ce n’était pas possible, pour moi, de les imaginer le ventre vide et de rester les bras croisés.
Je partage mon désarroi avec mon époux et ma fille qui acceptent aussitôt de préparer un colis pour eux. Je m’étais dit :
Chouette une expérience en famille ! Nous allons découvrir ensemble ce que signifie « donner c’est donner ; et cela ne nous appartient plus … »
Voilà ce qui s’est passé entre nous : Tout d’abord, choisir le contenant !
Un cabas quelconque ? ou un beau : celui avec des M&M’s en couverture, les gamins vont apprécier (mais c’est le préféré de ma fille) …
Elle a le droit d’avoir du mal à donner ce qu’elle a de plus beau !
Puis, le contenu : là, mon ego calculateur se réveille.
C’est le moment de me débarrasser de toutes ces conserves en doublon que j’entasse… Oui mais non, ce n’est pas juste …
En regardant la petite liste des choses de première nécessité, je me souviens que donner au plus juste, c’est là où est la demande.Je peux tout ressortir du cabas, ça ne correspond pas …
Des oignons, ça c’est bon : j’ai un filet éventré que je jette dans le cabas. (Alarme…) Pas comme ça, pas avec ce geste !
J’ai bien le droit d’avoir du mal à donner ce qui nourrit ma famille …
Je les ressors pour les mettre les uns après les autres dans un sachet, tranquillement et proprement.
Du pain de mie, ok. Ah ! eh bien non, mon époux avait prévu des croque-monsieur pour midi … Il a bien le droit de vouloir nous offrir un de ses plats préférés !
De la farine pour faire du pain. « Ah non pas ça, dit-il encore ; pendant le confinement, j’ai fait plusieurs enseignes pour en trouver ! … » Il a bien le droit d’avoir un peu de mal à donner …
Cette expérience familiale achevée, j’ai complété le cabas en achetant quelques autres denrées. Pas à pas, avec beaucoup de « j’ai le droit …, ils ont le droit … », nous avons réussi à le remplir.
Il faut le vivre pour le croire ! Cela a été une sacrée traversée pour « celle qui n’a pas l’habitude de donner et qui a peur de manquer ». J’avais 15 ans lorsque mon père a fait faillite, et ma famille s’est retrouvée sans ressources. J’ai vécu et ressenti ce manque d’argent jusque dans mes tripes, pour comprendre la détresse que vivent Judith et les siens.
Quelle joie d’avoir partagé cette expérience avec les miens et d’avoir goûté un Meilleur de moi que je ne connaissais pas encore : « celle qui peut donner sans avoir peur du lendemain parce qu’elle peut faire confiance ».